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 Médias • Communiqué de presse • Le 10 février 2009

Communiqué de presse

BLANCHIMENT : LE COMPTE A REBOURS

Dans son éditorial du bulletin du barreau de Paris du 9 février 2009, sous le titre " Blanchiment : le compte à rebours ", Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier de l'Ordre, rappelle que le Conseil des ministres vient d'adopter le texte de l’ordonnance de transposition de la troisième directive anti-blanchiment du 26 octobre 2005, résultat de discussions serrées entre ministère de l’économie et de la justice, prenant en compte l’arrêt du Conseil d’État du 10 avril 2008 et la réponse du président de la République à sa lettre ouverte, laquelle prévoit des mesures dérogatoires à l’obligation de déclaration de soupçon pour les avocats :

déclarations faites exclusivement auprès du bâtonnier et non pas directement à la cellule financière du ministère des finances (TRACFIN),
absence d'obligation de vigilance ou de déclaration pour l’avocat dans son activité juridictionnelle ou de conseil, pourvu qu’il ne donne pas de consultation aux fins de blanchiment ou qu’il ignore que son client l’a consulté à cette fin,
mission de contrôle confiée exclusivement aux Ordres et au CNB et non à la puissance publique,
absence de reproche fait à l'avocat dont le client dénoncé poursuivi par la justice sur alerte par TRACFIN bénéficiera d'un non-lieu ou d'une relaxe.

Si l’interdiction de dire au client qu’on effectue à son propos une déclaration de soupçon est maintenue, l'ordonnance consacre le devoir de dissuasion, qui impose à l'avocat d'informer, à l’avance, le client du risque encouru d’être l’objet d’un signalement.

Reste le problème de la dénonciation de la fraude fiscale puisque la directive vise non seulement le blanchiment d’argent provenant de crimes internationaux et la prévention du terrorisme, mais aussi toute somme provenant d’un délit puni d’un an d’emprisonnement, en ce compris la fraude fiscale et donc la dissimulation volontaire au fisc de tout revenu supérieur à 153 € qui est punie par l'article 1741 du code général des impôts de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende : tous les avocats et tous leurs clients sont sous le coup de cette menace. Dans des hypothèses très fréquentes, l'avocat va par exemple conseiller à son client de constituer une société civile immobilière et acquérir un bien immobilier et ainsi accomplir deux actes visés par la directive, dans le cadre desquels il va devoir s’assurer que l’argent avec lequel son client va financer l’acquisition du bien immobilier ne provient ni de près ni de loin d’une fraude fiscale, même si celle-ci est si ancienne qu’elle est prescrite. Dans le doute, il devra le dénoncer.

L’ordonnance prévoit de limiter la portée de l’obligation en faisant définir par un décret en Conseil d’État (dont le projet est préparé) 16 critères de gravité de la fraude pour éviter que la dénonciation soit automatique, mais on sait que le Conseil d’État aurait marqué son désaccord avec cette restriction qui n’est pas conforme à la directive.

Le bâtonnier Christian Charrière-Bournazel constate que même si les efforts des avocats n’ont pas été vains, ils ne peuvent souscrire à cette transformation radicale de notre société démocratique qui métamorphoserait les avocats en auxiliaires obligés de la police financière, alors que les avocats ne sont jamais les complices de leurs clients et que leur mission est de les servir dans le respect de la loi. Il affirme avec force que l’avocat qui s'en affranchit n’a pas sa place au barreau, qu'on ne peut imaginer un avocat qui, en connaissance de cause, seconderait les projets criminels de son client prenant le risque de se dénoncer lui-même en le dénonçant, que lorsque la loi devient folle et heurte de front un droit fondamental ou une valeur essentielle, l’honneur est de désobéir.

Il déclare ainsi que si lutter contre la criminalité internationale est un objectif noble pour tous les citoyens, contraindre l’avocat à devenir le délateur de son client qui, dix ans plus tôt, aurait eu le tort de ne pas être régulier avec le fisc alors même que son délit est prescrit, est inenvisageable.

Il rappelle à cette occasion que la Cour de justice des communautés européennes saisie du point de savoir si la deuxième directive respectait l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le procès juste et équitable, a rappelé le caractère absolu du secret professionnel de l'avocat en matière juridictionnelle ou de conseil et n'a pas pas encore été appelée à statuer sur l’aspect disproportionné de l’obligation de déclaration appliquée notamment à la fraude fiscale.

Mandaté par le conseil de l’Ordre de Paris pour saisir le Conseil d’État contre l’ordonnance, il espère que le Conseil d’État pose une question préjudicielle à la CJCE et que le Conseil constitutionnel admettra peut-être que le droit au secret de chaque citoyen en démocratie interdit de transformer l’avocat en dénonciateur ? Si la loi transposant l’ordonnance intervient au printemps, contraignant le Conseil d’État à prononcer un non-lieu sur le recours formé contre elle au moment où elle n’était qu’un acte administratif, il lui sera encore possible d’attaquer devant le Conseil d’État le décret d’application de la loi de transposition validant l’ordonnance.

Mais surtout, il annonce que si ces étapes judiciaires successives ne suffisent pas à conjurer l’inacceptable, c’est à l’occasion de sa propre condamnation comme bâtonnier qu’il lui sera possible de faire juger par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, saisie d’un recours contre une décision française définitive, que notre législation ne pouvait pas imposer, sous prétexte de transposition d’une directive, une obligation heurtant de front un droit fondamental de la personne humaine.

En conclusion, le bâtonnier de Paris rappelle que les générations qui nous ont précédés ont connu pendant les guerres des bouleversements de l’état de droit révoltant la conscience universelle et que l’obsession de la sécurité en temps de paix instille contre la liberté un poison plus subtil mais tout aussi mortel. Il refuse de s’y résoudre et demande à tous ses confrères de le rejoindre dans ce combat.




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