Dans son testament, Gabriau de Riparfons avait clairement exprimé le vœu que la future bibliothèque des avocats soit un lieu de réunion :
« Je souhaiterois aussi […] qu’il fust fait toutes les semaines, dans le mesme lieu où seroient les livres, quelques conférences d’études sur les matières les plus ordinaires et d’usage, par cinq ou six avocats. J’espère qu’il s’en trouvera d’assez zélés pour l’avantage de la profession, qui voudront bien entrer dans ces conférences. S’il y en a plusieurs, il en sera choisi à cet effet par messieurs les gens du roy dudit Parlement, et par monsieur le bastonnier des avocats. J’estime que leurs résolutions pourront estre rédigées par escrit et mises dans un registre, suivant que les avocats qui feront ces conférences le trouveront à propos. J’ay marqué le lieu de cette conférence dans celuy où seront les livres, afin qu’ils s’en puissent servir dans les conférences, en cas qu’ils en ayent besoin, comme il arrive souvent en pareilles conférences. »
Les volontés de Gabriau seront respectées : peu après l’inauguration de la bibliothèque, celle-ci accueille des conférences (autrement dit des réunions). Onpeut en distinguer trois sortes.
Tout d’abord, les conférences dites de discipline traitent de questions professionnelles. Le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1711 (reproduction), présidée par l’avocat général Joly de Fleury, aborde précisément l’organisation des prochaines réunions qui doivent se tenir à la bibliothèque, conformément à la volonté de son fondateur.
Viennent ensuite les conférences de doctrine. L’une d’entre elles se tient le 19 décembre 1711, quelques jours après la conférence de discipline que nous venons d’évoquer. Elle est consacrée à l’examen du problème suivant : « 1) Si un contract de mariage peut estre fait valablement après le mariage célébré 2) Supposé que le contract de mariage puisse estre fait après le mariage célébré, quel sera l’intervalle dans lequel il devra être fait ». Le registre des conférences de doctrine pour cette époque, parvenu jusqu’à nous (reproduction), ne consacre pas moins de 21 pages à résumer les opinions avancées sur la question par l’ensemble des participants.
La bibliothèque accueille enfin à intervalles réguliers des conférences de charité, autrement dit des consultations gratuites. Les avocats y participent à tour de rôle, comme c’est le cas pour Prévost en 1719, sur l’invitation qui lui en est faite par l’avocat général Lamoignon de Blancmesnil (reproduction). Le catalogue de la bibliothèque publié en 1787 contient d’intéressantes précisions sur les conférences qui s’y déroulent alors :
« Tous les mercredis de relevée, on y donne des consultations de charité pour les pauvres ; elles sont faites, rédigées, et signées par six Avocats inscrits sur le tableau de l’ordre, dont deux anciens, deux modernes et deux jeunes. Ils sont invités de se trouver à la Bibliothèque, à cet effet, à un jour indiqué par M. le premier Avocat général du Parlement ; nombre d’autres Avocats, quoique non invités, assistent à ces consultations, tant pour s’y rendre utiles, que pour leur propre instruction.
Tous les samedis de relevée, on tient une conférence à la Bibliothèque sur des questions de Droit ou de Coutume : elle est présidée par M. le Bâtonnier, ou, en son absence, par le plus ancien Avocat. Plusieurs Avocats, anciens et modernes, y assistent assez ordinairement ; cette conférence hebdomadaire a été instituée pour l’instruction des jeunes Avocats. On y propose et on y discute différentes questions ; et après cette discussion, on prend l’avis de tous les assistans, en commençant par les jeunes, et finissant par M. le Bâtonnier. Quand les questions sont importantes, et controversées par des avis opposés, M. le Bâtonnier charge deux jeunes Avocats de les traiter, l’un pour l’affirmative, et l’autre pour la négative ; et à la séance suivante, ou subséquente, chacun d’eux fait part à l’assemblée de son travail, de ses recherches, et des autorités favorables à l’opinion qu’il a embrassée, et la question se juge à la pluralité des voix. […]
Les conférences de la Bibliothèque recommencent chaque année le premier samedi après les harangues faites au Parlement par MM. Les Gens du Roi ; à ce jour un des jeunes Avocats, fréquentant les conférences, et nommé par M. le Bâtonnier avant les vacances, prononce un discours sur un sujet relatif à la profession d’Avocat ; c’est une occasion pour un jeune orateur de faire connoître son mérite et ses talens. Une noble émulation fait briguer le choix de M. le Bâtonnier ; mais il tombe toujours sur celui des jeunes Avocats qui, l’année précédente, a travaillé avec plus de zèle et plus de succès ».
Il est aisé de voir ici la préfiguration de l’actuel concours de la Conférence et de la séance solennelle de rentrée du barreau. Les conférences de la bibliothèque du XVIIIe siècle se perpétuent ainsi sous d’autres formes et d’autres dénominations.
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