Étienne Gabriau de Riparfons, avocat au Parlement de Paris de 1611 à sa mort en 1704, appartient à une famille de robe. Son père Jean (portrait ci-contre) fut magistrat au Parlement de Bretagne. Étienne était connu pour ses compétences en matière de contentieux nobiliaire : la bibliothèque actuelle conserve de lui deux mémoires judiciaires (reproductions ci-dessous) en faveur des ducs et pairs de France, qui témoignent de la confiance dont bénéficiait l’avocat auprès de l’aristocratie du siècle de Louis XIV.
En 1703, Gabriau rédige un testament qui constitue à bien des égards une véritable profession de foi professionnelle. En voici quelques passages particulièrement significatifs :
« Je donne mon cœur et mon âme à Dieu ; j’ay tout à craindre de sa justice, mais j’ay aussi tout à espérer de sa miséricorde infinie. Je laisse mon corps à la terre. […] Je veux dans tous les cas que mon enterrement se fasse sans cérémonie, surtout sans aucun épitaphe, et sans aucune marque de distinction, parce que je n’en mérite aucune.
J’ay tousjours aimé la profession d’un véritable avocat, capable, et de cœur et d’esprit, d’en remplir les principaux devoirs ; je me suis attaché à cet employ par choix et par inclination ; je l’ay préféré à tout autre, quoique mon père m’en eût proposé d’autres, en me laissant cependant la liberté entière de suivre mon génie et mon penchant. […]
J’ay reconnu, quelque temps après m’estre engagé dans cette pénible carrière, qu’il y avoit bien des écueils à éviter et plusieurs dégouts à essuyer ; je n’en ay pas trouvé assez pour me détourner de ma route, et j’ay eu assez de courage et de résolution pour demeurer ferme dans mes premiers projets. Cette constance n’a pas empesché que je n’aye esté sensiblement touché et vivement pénétré de douleur, particulièrement dans les derniers temps, quand j’ai veu la décadence de cette profession. […] Je souhaiterois avecq une extresme passion que ceux qui sont de cet ordre, si util au public, pour les pauvres et pour les opprimés, et si nécessaire pour le bien des familles, fissent de concert quelques efforts pour le relever et pour faire revivre ces nobles sentimens qui animoient, du temps de nos pères, le zèle et la dignité de cet employ, et je m’estimerois heureux si je pouvois y contribuer. […]
Je désire que les livres de ma bibliothèque soient conservés pour servir au public, et en particulier à ceux de la proffession et autres personnes qui n’ont pas tous les secours nécessaires pour se rendre capables. Pour cet effet, j’en ay fait différentes acquisitions, et en différens temps, toutes et quantes fois que l’estat de ma fortune et de ma famille l’ont pu permettre. […] Pour l’exécution de mon projet, je laisse huit cent livres de rente, tant pour loüer une gallerie ou autre lieu propre pour y placer les livres à l’effet d’estre communiqués à ceux qui en auront besoin au moins trois fois la semaine […]. »
Par cette initiative, Riparfons allait permettre aux avocats de se doter d’un lieu de travail et de réunion qui leur faisait jusque-là défaut. Son geste généreux fut maintes fois salué par le barreau. Son ami et confrère Louis Froland lui a notamment rendu hommage (reproduction ci-dessous) en des termes assez pompeux, mais que l’on peut croire sincères:
« Illustre et Respectable Mort,
Tandis que tu jouis de cette felicité éternelle qui fait les recompense de l’homme de bien, me sera t’il permis d’interrompre ton repos, et de venir te presenter un de ces vains honneurs du monde pour qui le Sage a tant de mépris en general, et qu’il regarde comme une vraie chimere et fumée. Je sçai bien que l’objet que je me propose peut être considéré comme l’effet d’une idée qui n’est pas commune. Parler à celui qui n’est plus ; vouloir me faire entendre par celui qui ne sçauroit m’écouter ; […] Mais il arrivera tout ce qu’il pourra, je ne suis point effrayé de l’évènement. Il m’est impossible d’arrêter l’ardeur dont je me sens animé, & de différer plus longtems à publier la parfaite reconnoissance que je conserve de l’amitié dont tu m’as honoré tant que le destin ne nous a pas séparés ; des bienfaits en particulier que j’ai reçûs de ta main en me communiquant dans ma jeunesse tes plus precieux Mémoires ; et de cette libéralité sans exemple que tu as exercée envers tout l’Ordre des Avocats, et dans laquelle je me trouve avoir part comme en étant un des membres ». |