En 1806, l’avocat Nicolas Férey (1735-1807), réputé pour ses multiples consultations de droit et l’étendue de sa culture juridique, rédige un testament dont nous donnons ici quelques extraits :
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Je soussigné, François Placide Nicolas Férey avocat et membre de la Légion d’honneur demeurant à Paris, après avoir recommandé mon âme à Dieu et l’avoir supplié par sa bonté infinie de me pardonner mes fautes, et de me recevoir en sa miséricorde, ai fait mon testament ainsi qu’il suit. […]
Je donne et lègue sous le bon plaisir du Gouvernement à l’ordre des Avocats, sous quelque nom que Sa Majesté l’Empereur et Roy jugera à propos de le rétablir, les livres de droit que j’ai à Paris, en quoi je comprends les douze volumes in folio et les vingt-neuf in quarto de mémoires et consultations que j’ai réunis avec le plus grand choix, ainsi que la table manuscrite par ordre alphabétique des matières qui forme un volume in folio, laquelle table j’ai faite moi-même et ensuite fait mettre au net pour mon instruction et me servir dans les différents travaux de mon état. […]
Le legs que je viens de faire n’est qu’une faible marque de la reconnaissance dont je suis pénétré pour les bontés et l’attachement que mes chers confrères n’ont cessé de me témoigner dans tous les temps et que l’acquit d’une dette sacrée de ma part envers un ordre auquel, à l’aide d’un travail assidu de plus de cinquante ans et toujours borné au cercle des connaissances requises pour ma Profession, faute de santé et de dispositions naturelles, j’ai été redevable de l’estime dont ceux mêmes dont je n’ai pas eu l’avantage de partager la confiance ont bien voulu m’honorer ; et qui, sur le rapport des personnes distinguées par les grandes places auxquelles leurs mérites et leurs lumières les ont appelées auprès du monarque, a porté en outre Sa Majesté Empereur et Roi a donner à l’ordre des avocats dans l’un de ses plus anciens membres une décoration pour laquelle la plupart de mes confrères m’étaient préférables. […]
Fait et écrit de ma main à Primart le vingt six septembre dix huit cent six ».
Ce texte a naturellement vieilli, mais les dispositions qu’il renferme ont eu une importance décisive pour le barreau : tout en léguant ses livres de droit à ses confrères, avec une somme d’argent « pour aider à acheter d’autres livres qui seront jugés nécessaires », Férey prenait soin de rappeler que Napoléon Ier lui avait décerné la Légion d’honneur. En termes flatteurs, il faisait dépendre du bon plaisir du souverain l’exécution de ses dernières volontés.
En 1808, un an après le décès de Ferey, un décret impérial, en date du 14 mars, accorde une suite favorable à la requête exprimée par l’ancien avocat. Ce texte contient notamment les dispositions suivantes :
« Vu l’extrait du testament olographe du 26 7bre 1806, du Sieur Ferey avocat, par lequel il lègue à l’ordre des avocats de Paris, sous quelque nom que nous jugerons à propos de le rétablir 1° une partie de sa bibliothèque ; 2° une somme de 3000 fr une fois payée pour aider à acheter d’autres livres […].
Vu la lettre de notre Grand Juge Ministre de la justice du 13 août 1807 à notre Ministre de l’Intérieur par laquelle il annonce que les héritiers du Sieur Ferey demandent qu’il nous plaise nommer provisoirement une personne soit pour recevoir en dépôt la bibliothèque et les sommes léguées, soit pour prendre toutes les inscriptions et autres mesures nécessaires à l’effet de conserver les choses léguées, attendu que l’ordre des avocats n’étant pas organisé, les membres qui doivent le composer ne peuvent régulièrement recevoir le legs et en donner décharge valable.
Notre Conseil d’Etat entendu, Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er
Notre Procureur Général Impérial près la Cour d’appel de Paris demeure autorisé à accepter le legs dont il s’agit et à en donner décharge aux héritiers du Sieur Ferey.
Art. 2
Il est chargé de veiller à la conservation des objets légués, de faire en conséquence tous actes conservatoires et de prendre à cet égard les ordres de notre Ministre de l’Intérieur qui désignera le local où seront déposés les livres légués.
Art. 3
L’action de conservation déférée par le présent à notre Procureur Général Impérial cessera au moment où conformément à la loi du 22 ventôse an 12 l’ordre des avocats aura été organisé dans notre bonne ville de Paris. »
Les dernières volontés de Férey allaient donc pouvoir se réaliser. Aujourd’hui encore, la bibliothèque des avocats conserve des ouvrages, comme ce beau coutumier de Normandie, dotés d’une étiquette qui rappelle leur provenance d’origine. Il fallut cependant attendre le rétablissement des ordres d’avocats pour que le barreau puisse entrer en possession de ce legs. Ce sera chose faite en 1810.
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