Jules Jolly, membre du barreau de Paris, a laissé une description très vivante de la bibliothèque à l’époque de Louis-Philippe. Quelques morceaux choisis de sa prose, accompagnés des textes réglementaires alors en vigueur (accessibles ici en reproductions) permettront à chacun d’imaginer la vie quotidienne dans l’établissement d’alors.
« Rien n’est plus curieux à observer que notre bibliothèque aux heures de travail, c’est-à-dire depuis neuf heures du matin, jusqu’à quatre heures du soir. Imaginez-vous deux longues salles garnies de tables et de banquettes où viennent s’asseoir, chaque jour, en se succédant d’heure en heure, à peu près trois ou quatre cents avocats anciens et nouveaux, dont les uns travaillent et les autres causent, souvent au grand déplaisir des premiers. Dès l’ouverture, les tables se garnissent de jeunes stagiaires laborieux, qui n’ont pas encore l’avantage de posséder une bibliothèque particulière […]. C’est alors que ces studieux jeunes gens profitent des nombreux loisirs que leur laisse une clientèle retardataire, pour compléter, aux vraies sources de la science, les imparfaites études que l’Université leur fait payer si cher, et dont on sent le peu de solidité quand on est en présence des difficultés de la pratique. C’est alors que ceux qui font partie de quelque conférence, étudient et approfondissent la question qu’il faudra plaider le lendemain, et que la complaisance du pauvre bibliothécaire est souvent mise à contribution par des jeunes inexpérimentés qui, tout heureux d’une découverte propre à aplanir une difficulté, ne savent souvent où trouver le volume qui doit être pour eux la clef de leur prochain succès.
À cette première série de travailleurs, succède celle des heureux possesseurs de clientèle, de ceux qu’on appelle au Palais les avocats occupés. Ce ne sont plus les stagiaires du matin qui ne connaissent pas encore le poids d’un dossier, mais ce ne sont pas encore les hauts dignitaires, les gros bonnets de l’Ordre, qui ne daignent, qu’à de très rares intervalles, visiter ce modeste asile de travail et de paix. L’heure à laquelle apparaissent les avocats dont nous venons de parler, est l’heure de l’ouverture des audiences et des plaidoiries dans les différentes chambres du Tribunal et de la Cour. Alors il se fait au Palais un mouvement extraordinaire, qui reflue jusqu’au fond des salles de la bibliothèque. Tel avocat qui ne s’attendait peut-être pas à plaider le jour même, et qui voit sa cause retenue par le zèle d’un impitoyable président, se hâte de s’établir à une des tables de travail, de consulter les auteurs qui traitent la question qui l’intéresse, et de brocher, en quelques minutes, ses notes de plaidoirie, faible et incomplète ébauche sur laquelle il va peut-être opérer des merveilles d’éloquence, et assurer ainsi le triomphe de son client. »
Jules Jolly évoque encore les causeries amicales qui se déroulent dans un petit local passé à la postérité sous le nom de « parlotte », où l’on se retrouve pour le plaisir : « C’est alors qu’on devise à son aise sur les événements du jour, et que l’on se fait part les uns aux autres des petites anecdotes piquantes qui peuvent aiguillonner l’esprit de chacun, et qui ne manquent jamais de provoquer un rire général. […] A-t-on vu quelque pièce nouvelle, a-t-on lu quelque roman récemment publié, sait-on quelque aventure frisant de près le scandale, on s’empresse d’en faire part à la confrérie, dont chaque membre ne manque jamais de donner son avis sous la forme la plus capable d’exciter le rire et les bravos des assistants. »
Nous ne conservons pas de représentation de cette ancienne bibliothèque, mais seulement un plan dressé à la main, reproduit ici, et dont les légendes, données ci-dessous, rappellent que l’endroit était dédié au travail mais aussi aux séances de la conférence et aux réunions du Conseil de l’Ordre. Voici le détail des locaux : 1) Entrée et appariteur 2) Comptable 3) Secrétaire 4) Parlotte 5) Salle de travail et des conférences 6) Bibliothécaire 7) Salle du Conseil 8) Corridor 9) Vestiaire.
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