Le 27 juin 2006, le décret relatif à la lutte contre le blanchiment des capitaux a été publié. Sa publication a pour effet d’étendre aux avocats les obligations de vigilance et de déclaration de soupçon découlant des articles L.561.1 et suivants du Code monétaire et financier.
La réaction de l’Ordre des avocats a été double :
- d’une part, en association avec le Conseil national des barreaux, la conférence des bâtonniers et l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, il a été décidé de déférer le décret à la censure du Conseil d’Etat et d’en demander l’annulation. Il convient de noter que le Conseil national des barreaux européens a, de son côté, déposé un recours et que, par ailleurs, le 12 septembre dernier, la Cour de justice des communautés européennes a tenu audience sur la question préjudicielle au titre de l’article 234.CE introduite par la Cour d’arbitrage de Belgique. Par cette question préjudicielle, la Cour d’arbitrage de Belgique pose déjà le problème de savoir si la deuxième directive qui a imposé aux avocats les obligations en matière de blanchiment de capitaux viole le droit à un procès équitable;
- d’autre part, le bâtonnier a entrepris une réflexion sur la méthodologie qui doit être suivie lorsqu’il est saisi d’une déclaration de soupçon. En réalité, pour le barreau de Paris, le bâtonnier s’appuie dans sa réflexion et dans l’analyse des éventuelles déclarations de soupçon sur une commission. Plusieurs raisons ont incité le bâtonnier à réfléchir par priorité sur l’analyse d’une déclaration de soupçon: le souci d’être très rapidement saisi par de telles demandes; le fait que le Conseil national des barreaux a déjà publié une première brochure en matière de vigilance fait aussi que l’Ordre, par son recours, entend contester la légalité du décret lorsque celui-ci définit, d’une façon jugée par l’Ordre trop extensive, le champ d’application de l’obligation de vigilance
En matière de déclaration de soupçon, la méthodologie qui a été mise au point sous l’autorité du bâtonnier, mais dont les termes ne sont pas encore à ce jour tout à fait arrêtés, insiste sur cinq points :
1. le secret professionnel reste le principe fondamental s’imposant aux avocats et la déclaration de soupçon constitue une exception;
2. la déclaration de soupçon n’est obligatoire que lorsque l’avocat participe à une des opérations limitativement énumérées à l’article
L.562.2.1 du Code monétaire et financier:
- l’achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce;
- la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant à un client;
- l’ouverture de comptes bancaires d’épargne ou de titres;
- l’organisation des apports nécessaires à la création d’une société;
- la constitution, la gestion ou la direction de fiducies et droits étrangers ou toutes autres structures similaires
3. En tout état de cause, la déclaration de soupçon n’a pas lieu d’être:
- lorsque l’avocat se borne à donner une consultation juridique sauf si celle-ci est fournie aux fins de blanchiment de capitaux ou s’il sait que son client souhaite obtenir cette consultation aux fins de blanchiment;
- lorsque l’avocat participe à une procédure juridictionnelle que les informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une telle procédure;
4. Il convient de rappeler qu’une opération de blanchiment de capitaux concerne uniquement:
- les montants ou opérations sur des sommes qui pourraient provenir du trafic de stupéfiants;
- la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes;
- la corruption;
- les montants ou opérations sur des sommes résultant d’activités criminelles;
- les montants ou opérations sur des sommes pouvant participer au financement du terrorisme;
5. Dans une très large mesure, l’avocat est protégé, par le fait qu’il se doit de respecter le Règlement de la profession d’avocat et par le fait qu’il est obligé d’avoir recours aux services de la CARPA. Or, les maniements de fonds effectués par celle-ci fait l’objet de mesures de contrôle.
Le bâtonnier de Paris considère qu’en matière de déclaration de soupçon il ne peut se limiter à être un simple relais entre l’avocat et Tracfin. Son rôle lui paraît double : il doit s’assurer que les déclarations de soupçon qui lui sont remises sont légitimes et, dans toute la mesure que lui donnent les textes en vigueur, assurer une protection du secret professionnel. |