Né à Cayenne en 1897, Gaston Monnerville est confronté dès son enfance à de multiples injustices : l’univers du Bagne, le souvenir tout récent d’un déporté nommé Alfred Dreyfus, mais aussi l’arbitraire des autorités coloniales : en 1910, son père, membre de l’administration, est révoqué par le gouverneur pour avoir refusé de voter en faveur du candidat officiel.
Il sera réintégré deux ans plus tard par une décision du Conseil d’État mais n’oubliera jamais cette iniquité. Le père Monnerville encourage son fils à accomplir les études poussées qu’il n’a pas pu effectuer lui-même. Brillant élève, Gaston obtient une bourse qui lui permet de gagner Toulouse. Il y devient bachelier, licencié ès lettres et ès droit. Cette dernière discipline a sa préférence : elle ouvre la voie à une carrière judiciaire, que le jeune homme conçoit alors comme la meilleure façon de combattre contre l’injustice et l’inégalité.
Dès 1918, il est admis comme avocat stagiaire au Barreau de Toulouse où il se distingue par sa réussite au concours de la conférence du stage ; parallèlement, il rédige sa thèse de doctorat, consacrée à l’enrichissement sans cause et soutenue en 1921. Ce dernier succès est assombri par le décès de son père. Celui-ci avait émis le vœu qu’aucun de ses fils ne devienne fonctionnaire.
Gaston, qui avait envisagé d’entrer dans la magistrature, respecte la volonté paternelle et demeure au barreau. Sur les conseils de ses proches, il décide de tenter sa chance à Paris. Mais, comme le lui laisse entendre sans trop de ménagement le Bâtonnier Albert Salle, un jeune homme sans relations ni ressources n’a guère d’espoir de connaître la réussite professionnelle au barreau de la capitale. Il lui faudrait à tout le moins débuter sous l’égide d’un « patron ». Quel confrère acceptera de faire confiance à ce jeune débutant inconnu ?
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