Comment trouver un patron lorsque l’on est un jeune avocat stagiaire fraîchement débarqué dans la capitale ? Gaston Monnerville s’interroge lorsqu’il rencontre au Palais Rivelanges, un ancien camarade de Toulouse devenu avocat à Paris. Celui-ci lui parle d’un confrère alors en pleine ascension (et qui sera l’un des grands ténors de l’Entre-deux-guerres) : César Campinchi. Monnerville aborde ce dernier sans cérémonie dans une galerie du Palais et lui demande s’il veut de lui comme collaborateur. À l’issue d’un entretien, Campinchi lui répète le mot de son propre patron, le célèbre Clunet : « au lieu d’essayer de réussir au barreau de Paris, flanquez-vous plutôt dans la Seine ! » Monnerville réplique qu’il ne suivra pas plus ce conseil que Campinchi. Les deux hommes sympathisent bientôt ; ils collaboreront dix ans. Leur complicité professionnelle va de pair avec une véritable communauté d’esprit : ils sont tous deux radicaux-socialistes et deviendront en même temps députés (1932) puis ministres (1937). Confrontés à la guerre et bientôt à la défaite, le Corse et le Guyanais partagent la conviction que le salut de la France réside dans l’étendue de son Empire ; au cours de l’été 1940, ils sont tous deux partisans de poursuivre la guerre en dehors de l’hexagone, aux côtés de l’allié anglais. Campinchi est assigné à résidence à Marseille par le gouvernement de Vichy lorsqu’il y meurt des suites d’une opération (février 1941). Monnerville était alors à ses côtés. Il n’a jamais manqué par la suite de célébrer sa mémoire. C’est dans cet esprit qu’il a fait don à l’Ordre des avocats de notes rédigées par Campinchi en vue de son éventuelle comparution devant la Cour de Riom et de plusieurs œuvres représentant son ancien patron, devenu un frère de lutte et un ami.
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